Des réductions de GES accessibles et ambitieuses
De nombreuses entreprises promettent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais seules les plus sérieuses s’engagent à y arriver en respectant les critères de SBTi. Cet organisme utilise la science pour aider les compagnies à établir des objectifs à la fois accessibles et ambitieux.
De plus en plus de compagnies annoncent des baisses de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) ou s’engagent vers la carboneutralité. Le défi est de trier les entreprises sérieuses de celles qui se contentent de belles paroles.
Heureusement, depuis une dizaine d’années, des organismes internationaux indépendants peuvent évaluer les engagements climatiques des entreprises et les actions qu’elles posent pour les honorer. L’un d’eux est la Science-based targets initiative (SBTi).
Un gage de crédibilité
Fondé en 2014, cet organisme de charité est né du travail de quatre groupes dévoués à la défense de l’environnement : le World Resources Institute, le World Wildlife Fund, le Carbon Disclosure Project et le Pacte mondial des Nations Unies.
Bien connu dans le milieu environnemental, SBTi est un joueur important de la lutte contre les changements climatiques. Son rôle est d’accompagner les entreprises qui souhaitent réduire leurs GES à se fixer des objectifs compatibles avec les accords de Paris. En gros, les baisses qu’elles annoncent doivent 1) contribuer à limiter le réchauffement climatique de la Terre à 1,5 ⁰C et 2) permettre l’atteinte d’une carboneutralité mondiale d’ici 2050.
SBTi n’a aucun pouvoir coercitif : c’est sur une base purement volontaire que les firmes décident de suivre ses recommandations. À l’heure actuelle, plus de 6000 entreprises à travers le monde ont fait le saut. Environ 150 d’entre elles sont établies au Canada, incluant McCain, Agropur, General Motors Canada, Cogeco et Desjardins.
Concrètement, SBTi produit une foule de documents de référence très détaillés, basés sur la science, afin de guider les compagnies vers des réductions à la fois accessibles et ambitieuses.
Première étape : un état des lieux rigoureux
La première exigence de l’organisme est que l’entreprise réalise un inventaire de ses GES. Celui-ci doit s’appuyer principalement sur les normes de GHG Protocol. Partenaire de SBTi, GHG Protocol est un organisme américain dont les standards de comptabilisation des GES sont les plus utilisés à travers le monde.
Son protocole sur les inventaires de GES est très rigoureux. Par exemple, il prend en compte les GES émis directement par les usines ou les bureaux d’une entreprise ainsi que ceux émis en amont, par la production des matières premières qu’elle achète. Ainsi, l’inventaire de GES d’un fabricant de fromages doit inclure les GES émis par ses camions de livraison et ceux dus à la fabrication du lait qu’il transforme.
Des données de qualité
Le GHG Protocol exige des données de la meilleure qualité possible, c’est-à-dire : complètes, justes, pertinentes, cohérentes et transparentes. Rien de moins! Évidemment, l’idéal est d’utiliser des mesures réelles, mais celles-ci sont souvent difficiles à obtenir, voire introuvables.
Le GHG Protocol accepte donc que les compagnies estiment leurs émissions de GES en recourant à des bases de données scientifiques, des modèles mathématiques ou des informations venues d’autres entreprises. Il utilise par la suite des critères précis pour évaluer la qualité de ces estimations. Par exemple, GHG Protocol donne une bonne cote à une estimation basée sur une référence récente ou à une donnée provenant du même territoire que la compagnie complétant un inventaire de GES, et une moins bonne cote à une vieille donnée provenant d’un pays différent.
Deuxième étape : des objectifs crédibles et ambitieux
Une fois son inventaire complété, l’entreprise passe à la deuxième étape : le choix des actions qui lui permettront de réduire ses émissions de 4,2 % chaque année. L’objectif est que l’ensemble de ses mesures contribuent à limiter le réchauffement planétaire à 1,5 ⁰C, comme établi en 2015 par l’accord de Paris.
SBTi n’accepte pas que les actions prévues à court terme incluent des crédits compensatoires, c’est-à-dire l’achat de réductions réalisées par d’autres organismes ou compagnies. En effet, selon SBTi, ces crédits pourraient « nuire à la transformation [des entreprises] vers la carboneutralité ».
De plus, l’organisme demande des réductions additionnelles à une dizaine de secteurs dont les émissions sont particulièrement élevées, comme les alumineries, les cimenteries ou le transport.
Des exigences particulières pour les entreprises FLAG
Un de ces secteurs spécifiques regroupe les entreprises dont les activités dépendent fortement de la forêt, de l’agriculture ou de la terre. On y retrouve notamment les industries du bois d’œuvre et des mines, la construction résidentielle, la transformation agroalimentaire et l’agriculture. Cette catégorie est nommée FLAG, pour forests, land and agriculture. Elle émet 22 % des GES dans le monde. Après l’énergie, elle représente la plus importante source de GES sur la planète!
SBTi demande aux entreprises qui entrent dans la catégorie FLAG de réduire leurs émissions d’au moins 72 % d’ici 2050. Il leur impose également de mettre en œuvre des mesures favorables à la séquestration de carbone : restauration des écosystèmes, meilleure gestion des forêts, pratiques agroenvironnementales, etc. Enfin, SBTi enjoint ces entreprises à cesser toute activité de déforestation au plus tard en 2025.
Certaines compagnies tombent dans cette catégorie à cause de leurs fournisseurs. C’est le cas des transformateurs agroalimentaires, par exemple, parce qu’ils s’approvisionnent auprès des fermes.
SBTi recommande à ces entreprises des actions encore plus précises. Par exemple, travailler avec leurs fournisseurs existants pour les aider à réduire leurs GES plutôt que d’en changer et opter pour des fournisseurs déjà performants. En effet, l’objectif de SBTi n’est pas d’aider les entreprises à cocher des cases sur un formulaire, mais plutôt de les aider à modifie fondamentalement leurs pratiques et leur modèle d’affaires afin que le réchauffement planétaire ne dépasse pas 1,5 ⁰C. Or simplement remplacer des fournisseurs répond plus ou moins à cet objectif!
Heureusement, certaines entreprises catégorisées FLAG, comme Saputo ou General Mills, acceptent ces contraintes. À l’heure actuelle, les deux grands transformateurs agroalimentaires collaborent avec des dizaines d’exploitations agricoles dans leur chaîne de valeur, dans le cadre du programme Fermes laitières engagées. Le but est d’aider les fermes à mettre en place des pratiques agroenvironnementales qui émettent moins de GES ou qui captent davantage de carbone. Cette collaboration inaugure une nouvelle relation à la fois plus équitable et plus durable entre les fermes et leurs acheteurs.
Troisième étape : s’engager publiquement
Une fois qu’une entreprise a établi son plan de match, elle le soumet à SBTi pour validation. La validation obtenue, les cibles de réduction de la compagnie sont publiées sur le tableau de bord de SBTi en ligne. Actualisé chaque semaine, ce tableau permet de confirmer si la firme tient le cap. Dans le cas contraire, SBTi indique qu’elle a retiré son engagement.
Enfin, SBTi demande aux compagnies de publiciser elles-mêmes leurs engagements climatiques, par exemple, en les publiant sur leur site Web ou dans leur rapport annuel. L’intention ici est de permettre à n’importe qui de vérifier facilement si elles respectent ou non leurs engagements en faveur du climat. Bref, SBTi est un maillon important de la lutte contre les changements climatiques. Actif dès le début du processus, il accompagne les entreprises pour que leurs objectifs de réduction de GES soient basés sur la science, accessibles, ambitieux et publics. Il ne dépend alors que des compagnies d’honorer leurs engagements afin de faire leur part pour le climat et… préserver leur réputation!